Cédric O, secrétaire d’Etat chargé du numérique estime qu’il revient à la France d’inventer la superpuissance européenne numérique de demain. Un enjeu majeur en termes de souveraineté.
Qu’attendez-vous de la mobilisation et la contribution de l’écosystème numérique dans le cadre de la relance de l’économie ?
La crise a mis en évidence le besoin de numérisation de la société. Que ce soit au travers du télétravail, de la télémedecine ou de l’éducation à distance, notre société continue de fonctionner, depuis le début des confinements, grâce au numérique. C’est pourquoi nous voulons, au sein du Gouvernement, accélérer la transition numérique de notre société par deux stratégies concomitantes : le soutien à l’émergence de nouveaux acteurs numériques et la numérisation d’acteurs existants.
Dans le cadre du plan de relance, le numérique est le deuxième secteur le mieux doté avec plus de 7mds€ d’investissements qui se déclinent dans plusieurs verticales. 3,7 milliards d’euros seront dédiés au développement des start-ups et à l’innovation dans des technologies numériques stratégiques telles que le cyber, le cloud, le quantique ou l’IA. Pour renforcer l’inclusion numérique, 1,1 milliard d’euros sera investi avec, en particulier, 250 millions d’euros alloués à la lutte contre la fracture numérique et l’illectronisme. 300 millions d’euros seront fléchés vers la formation aux métiers du numérique. Enfin, 2,3 milliards d’euros seront investis pour accélérer la transition numérique de l’état et des entreprises avec un investissement spécifique de 1,7 milliard qui sera consacré à la transformation numérique de l’État et des territoires.
Malgré la crise, les startups françaises ont continué à recruter, à lever des fonds et nous comptons désormais 3 nouvelles licornes Contentsquare, Voodoo et Mirakl. Pour la première fois, la France est passée devant l’Allemagne en termes de montants totaux levés. C’est la preuve que notre écosystème est mature, attractif et que les dispositifs d’urgence et de soutien mis en place depuis le début de la crise ont payé. C’est aussi la preuve du rôle essentiel que ces acteurs vont jouer dans la relance économique française : le secteur du numérique est celui qui crée le plus d’emplois en France et ce à Paris comme dans les territoires.
Les enjeux de souveraineté technologique sont en tête de l’agenda européen. Quelle vision la France porte-t-elle sur ces sujets ?
La crise sanitaire de la Covid-19 l’a montré avec beaucoup de force : la souveraineté européenne est l’un des plus gros enjeux auxquels nous faisons collectivement face, et c’est particulièrement vrai dans le domaine des technologies numériques. La tension entre le modèle du « laissez-faire » américain et le modèle chinois n’est pas nouvelle, mais elle se confirme d’année en année. Nous avons la responsabilité de ne pas nous laisser entraîner dans une situation où il nous faudrait choisir entre ces deux superpuissances : c’est à nous d’inventer la superpuissance européenne numérique de demain.
Concrètement, cet enjeu de souveraineté technologique européenne recouvre à nos yeux deux priorités : d’une part, le financement de la recherche européenne à un niveau suffisant, dans un certain nombre de technologies numériques clés, afin d’accroître notre autonomie technologique (IA, cloud, quantique, etc.) ; d’autre part, l’utilisation de la règlementation pour définir librement, à l’échelle européenne, les règles encadrant les usages du numériques.
Le RGPD a constitué une première étape de ce processus qui connaîtra un nouveau tournant au mois de décembre avec la publication des projets de Digital Services Act et de Digital Markets Act par la Commission européenne, deux textes qui porteront respectivement sur la régulation des contenus et sur la régulation économique des acteurs numérique. La France continuera d’être moteur sur ces sujets, et nous en ferons une priorité de notre présidence du conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022
Votre portefeuille ministériel a été récemment élargi. Quels sont dans ce cadre les enjeux clés auquel vous souhaitez désormais vous atteler ?
Mon portefeuille a été élargi au sujet des télécommunications et réunit désormais les sujets liés aux infrastructures du numérique et ceux liés aux usages. Cela nous permet de traiter de bout en bout certaines problématiques et en particulier celle de l’accès au numérique ou de l’impact environnemental du secteur. Cela donne de la cohérence dans les échanges avec les territoires et avec les opérateurs.
La priorité aujourd’hui est d’achever la couverture numérique du territoire afin d’assurer un accès internet de qualité sur tous les territoires et d’apporter la couverture mobile aux zones blanches. L’accès à une bonne connexion doit être considéré comme un service universel. Le Gouvernement porte une politique ambitieuse en ce sens, à travers le New Deal Mobile et le Plan France Très haut débit. Tenir les échéances de déploiement malgré la crise sanitaire est un défi, mais les chiffres récents sont encourageants.
L’ensemble des sites mobiles existants devrait avoir basculé en 4G dans les prochaines semaines sachant que 96% du territoire est déjà couvert en 4G par au moins un opérateur. Un travail considérable d’identification des zones blanches a été engagé avec les collectivités territoriales et plus de 2.000 ont déjà été identifiées.
Dans le cadre du New Deal, ces zones seront couvertes par les opérateurs dans les 24 mois maximum. Plus de 460 d’entre elles ont été ouvertes. Concernant la fibre optique, la France est le pays européen qui déploie le plus rapidement : malgré le contexte sanitaire complexe, près de 5 millions nouveaux locaux devraient être rendus raccordables en 2020. Le Gouvernement a accentué son effort de financement en 2020 en engageant 550 millions d’euros supplémentaires en faveur des déploiements de fibre, pour accélérer la généralisation des réseaux de fibre dans tous les territoires d’ici fin 2025.
La généralisation de la 4G et l’accélération des déploiements de fibre constituent nos priorités. Néanmoins, nous préparons déjà le futur avec le lancement de la 5G. C’est un enjeu majeur pour assurer la compétitivité de notre économie, et permettre le développement d’usages utiles pour notre société. Les autorisations d’utilisation des fréquences ont été délivrées aux opérateurs et un grand nombre de sites techniquement autorisés par l’Agence des Fréquences, permettant aux opérateurs de lancer la 5G à partir de maintenant. Pour autant nous sommes à l’écoute des préoccupations exprimées.
C’est pourquoi l’Etat a récemment mis en place une enceinte de dialogue et de transparence sur la 5G, dans le cadre du comité de Concertation France Mobile, avec les associations d’élus. Nous avons également demandé aux opérateurs d’envoyer systématiquement un Dossier d’Information à la Mairie (DIM) lorsqu’ils envisagent la conversion d’un site existant en 5G. Il est très important que le déploiement de la 5G se fasse en toute transparence, et que la consultation soit possible. Enfin, nous allons sensiblement renforcer les contrôles d’exposition afin de rassurer nos concitoyens et ne prendre aucun risque.
Olivier Robillart