il y a 5 ans -  - 4 minutes

Hélène Mérillon, Youboox : « Nous entrons dans une phase d’hypercroissance »

Fondatrice de Youboox, plateforme de lecture numérique en streaming, Hélène Mérillon entend imposer sa société comme référence du secteur. Un véritable « Netflix du livre » qui a le vent en poupe.

Les entreprises qui opèrent sur le marché de la lecture en streaming affichent des croissances annuelles à deux chiffres. Parmi ces pépites, Youboox fait figure de tête de proue d’un secteur promis à un bel essor. Les derniers rapports émanant de l’Institut GSK estiment encore à 95% la part de marché du livre physique pour l’ensemble du secteur. De quoi laisser une marge de croissance importante aux acteurs du dématérialisé.

Hélène Mérillon, PDG Youboox
Hélène Mérillon, PDG Youboox

Quels sont les facteurs clés de succès qui permettent à Youboox de rebattre les cartes du marché de l’édition en ligne ?

La société a été créée voilà 7 ans dans l’optique de bâtir un « Netflix français de la lecture ». C’est pourquoi l’option de permettre à chacun de lire des livres en illimité sur sa tablette ou son smartphone a été et demeure un élément clé de notre offre. Ce choix n’a rien d’anodin puisque nous arrivions, lors de la création de Youboox, dans une industrie du livre qui n’était alors pas entrée dans l’ère digitale.

Nous étions convaincus que l’avènement des supports tactiles allait permettre un meilleur accès aux livres et rendre la culture plus accessible. Encore fallait-il que l’écosystème du livre traditionnel comprenne ces mutations en cours. Dans ce cadre, nous avons fait le choix délibéré d’opter pour un modèle économique d’abonnement payant sous-tendu par une stratégie commerciale à la fois en BtoB et en BtoBtoC.

« Les grands acteurs sont demandeurs de formules d’abonnement aux livres numériques »

Ce dernier modèle s’est fortement développé ces dernières années auprès des grandes entreprises comme les opérateurs téléphoniques, du secteur de l’hôtellerie ou des cliniques. Ces grands acteurs sont demandeurs de formules d’abonnement aux livres numériques afin de les proposer à leur tour à leur propre clientèle. Côté éditeurs, nous proposons une saine rémunération au moyen d’une formule de partage des revenus à 50/50.

Ce modèle économique porte clairement ses fruits. Youboox compte à ce jour pas moins de 850 éditeurs partenaires satisfaits de cette relation commerciale. Des maisons d’édition comme Harper Collins, La Martinière, Eyrolles, Dargaud, Dupuis, Le Lombard, Les Humanoïdes Associés, Fleurus, les guides Michelin ou Le Petit Futé font partie de notre catalogue. A cela s’ajoutent 200 titres de presse quotidienne et des magazines.

Youboox revendique à date pas moins de 350 000 abonnés et nous entendons doubler notre chiffre d’affaires en dépassant la barre symbolique des 15 millions d’euros. Cela passera incontestablement par le développement de notre notoriété auprès du grand public.

Les logiques de partenariat et d’inclusion au sein d’un écosystème sont-elles des notions capitales pour Youboox ?

Depuis le début de l’année 2019, nous développons de forts partenariats avec le secteur des télécommunications. Nous entrons dans une phase d’hyper-croissance et l’enjeu va être de pérenniser cette croissance. Pour cela, il nous faut concrétiser notre développement à l’international, en particulier en Europe et en Afrique francophone, alors que nous étions jusqu’à présent exclusivement sur le territoire national.

De nombreux livres prochainement édités en streaming

L’ambition est forte : devenir le leader européen de la lecture en streaming face à des acteurs majoritairement américains. Nous allons ainsi conduire une stratégie forte de développement commercial avec les opérateurs de télécommunications qui jouissent d’ores et déjà d’une présence à l’international en ciblant certains secteurs que l’on juge particulièrement prometteurs. Notre plateforme est globale, le catalogue est international et l’application est déjà traduite en plusieurs langues. Cela soutient naturellement notre développement.

La Culture est envisagée par les plus jeunes publics comme un service en soi. Les clients sont donc en demande d’une grande liberté de choix et d’accès dans les contenus. C’est devenu une habitude et ils s’attendent à disposer, en matière de lecture, du même type de service qualitatif que dans d’autres secteurs médiatiques et culturels. Cela représente de facto des challenges en termes de modèle économique dans la mesure où tous les biens culturels ne possèdent pas la même structure de coûts. Il n’est donc pas toujours possible de monter des modèles vertueux.

Comptez-vous prochainement lever des fonds afin de financer votre croissance ?

Youboox réalise 8 millions d’euros de chiffre d’affaires ce qui représente une belle progression malgré des moyens limités. Avec 15 salariés, nous avons eu la chance de recevoir 3 millions d’euros depuis nos débuts (dont 1 million d’euros en 2016 auprès d’actionnaires historiques, ndr). Il faut cependant comprendre qu’il reste encore difficile de lever des fonds pour une société qui opère dans le secteur culturel.

Une partie du monde de la Finance considère encore que la Culture est intégralement financée par l’Etat

Une partie du monde de la Finance considère encore que la Culture est intégralement financée par l’Etat. Nous subissons ainsi la persistance d’idées reçues même si notre modèle de rupture nous a permis de réaliser des tours de tables significatifs. Je constate toutefois que certains fonds demeurent encore frileux lorsqu’il s’agit de financer des projets BtoC d’innovation de rupture. Lorsqu’il s’agit de mettre en place des modèles plus longs et que les usages doivent se développer…

Notre courbe de progression est bonne. Nous allons prochainement démarrer une nouvelle levée de fonds. Youboox va ainsi se tourner vers des structures de capital développement et non plus sur des fonds ventures classiques. L’objectif est de financer notre développement et notre croissance en basculant sur d’autres périmètres d’investissement. Le challenge est véritablement enthousiasmant car de nombreux développements s’ouvrent à nous.

Olivier Robillart