Conserver ses collaborateurs peut s’avérer complexe pour une entreprise. Nombre d’entre elles conduisent des stratégies efficaces pour lutter contre le turnover. Explications sur la manière de retenir ses talents au travers de 3 plans d’attaques entrepris par SII, Softway Medical et Proginov.
S’il est difficile à estimer si la guerre des talents a bien lieu, nombre d’entreprises du numérique conduisent des stratégies visant à conserver leurs collaborateurs. Cette rétention des talents s’avère majeure pour qui souhaite conserver son capital et ses forces vives. Une attention particulière est donc portée pour que les salariés puissent se sentir sécurisés dans leur travail et leurs perspectives d’évolution.
Face à ce défi permanent, plusieurs angles d’attaques peuvent être mis en œuvre au travers d’initiatives diverses. Ces dernières peuvent alors s’écrire aussi bien de manière personnalisée que sur le temps long. Recouvrir le champ de la RSE ou s’inclure dans une stratégie dédiée.
Charles Mauclair, dirigeant, membre du Directoire de SII et Président du collège ESN & ICT de Numeum confirme mener des actions en ce sens. Il explique : « Le point fondamental pour une entreprise est d’être en capacité d’écrire des carrières. Cela suppose la présence d’une diversité de postes, d’une ouverture prioritaire de nos opportunités en interne ou bien encore de permettre aux personnes de changer de projet voire, tout simplement d’évoluer. »
Pour maintenir les équipes en place, la direction mélange, par exemple, les niveaux d’expériences au sein des équipes. « On opère un mix entre les juniors, les séniors et les managers afin de faire monter en compétence les personnes et le collectif. L’objectif étant de faire grandir et fidéliser nos collaborateurs. Cela permet de faire monter en compétences nos équipes tout en leur faisant évoluer au sein de nouveaux projets innovants » , ajoute le responsable.
Des salariés acteurs de l’entreprise
Désormais, chaque collaborateur doit pouvoir être en capacité d’agir sur sa propre entreprise. Pour ce faire, il est capital de disposer d’un « management ouvert » dans lequel n’importe quel salarié doit pouvoir se saisir d’un point particulier afin de l’améliorer. Ce dernier va alors pouvoir proposer une nouvelle manière de le faire évoluer, puis de le mettre en œuvre. « Il s’agit pour nous d’ouvrir une véritable capacité d’action sur tous les sujets potentiels » , explique Charles Mauclair. « Suite aux questionnaires Great place to Work, des réunions sont organisées en local pour présenter les résultats en détails. Les personnes ont la possibilité de se mettre en groupe pour élaborer des préconisations sur tous les sujets ou enjeux de l’entreprise. » Le bilan est plutôt positif. Les deux tiers des propositions sont généralement réalisées.
Une volonté également affirmée au sein de l’éditeur spécialisé dans le numérique en santé Softway Medical. L’entreprise a recruté pas moins de 194 personnes en 2022, soit près du tiers de ses effectifs actuels. A date, 175 de ces nouveaux collaborateurs sont toujours en poste. Une fidélisation due en partie à la mise en place d’une définition éthique du recrutement via le label EMPL’ITUDE (Emploi et attitude) proposé par l’Afnor.
Céline Amblot-Féral, DRH de Softway Medical, précise : « Disposer d’une définition éthique du recrutement encourage le fait de retenir ses talents en interne. Il s’agit d’un aspect véritablement lié à la RSE dans nos actes de recrutement et d’intégration des nouveaux collaborateurs. Aussi, nous estimons que l’onboarding doit aller plus loin que la période d’essai. C’est pourquoi chaque arrivant participe à des Welcome Days au cours desquels il va découvrir tous les métiers de l’entreprise et de ses filiales. Cela permet de comprendre dans quel écosystème chacun évolue. »
Un actionnariat salarié
Dans l’optique d’inclure les salariés dans la progression de son entreprise, Proginov a fait le choix d’aller plus loin. L’ETI basée dans la région de Nantes a récemment procédé à une nouvelle augmentation de capital pour satisfaire tous les souhaits d’achats de ses salariés. L’idée étant de maintenir une ouverture du capital de l’entreprise et une meilleure rémunération des collaborateurs.
Stéphane Delhommeau, Directeur Général Délégué, explique : « la transparence est capitale, sur les plans hiérarchiques, les salaires ou sur l’actionnariat collectif. A ce jour, 85 % de nos salariés sont actionnaires de l’entreprise. Cela permet véritablement d’engager les collaborateurs au sein d’un collectif fort. Aussi, chacun est contraint, dès 50 ans, de se désengager partiellement et progressivement des actions qu’il possède. En somme, les plus jeunes rachètent les parts des plus anciens au travers d’une bourse aux actions. Il s’agit pour nous d’une volonté forte de développer l’actionnariat interne, ce qui contribue à la fidélisation des collaborateurs.«
Le télétravail, un facteur clé pour retenir ses talents ?
Conséquence directe de la pandémie liée au Covid-19, la prise en considération des conditions de travail apparait comme un moyen de retenir ses talents. Qu’il soit à présent hybride ou total, le télétravail fait partie intégrante de nombreuses entreprises. En particulier dans le secteur du numérique.
Charles Mauclair (SII-Numeum), explique : « les conditions de travail sont devenu un volet clé pour l’ensemble des collaborateurs. Nous avons mis en place un accord de télétravail portant sur 50 % du temps autorisé hors les murs. Au salarié de programmer ses sessions au bureau comme il l’entend. Cette souplesse permet de nombreuses innovations désormais demandées par les recrues. Je pense par exemple aux systèmes de bureaux étendus, à la bonne gestion de l’équilibre vie personnelle-vie professionnelle. Nous proposons également de réserver des places en crèche dans plusieurs grandes villes de France, ainsi qu’un système d’aide aux devoirs. Cet ensemble de mesures permet réellement d’apporter du confort à nos équipes, et donc de les stabiliser. »
Travailler depuis le lieu que le collaborateur a choisi, un aspect qui est désormais devenu clé pour toute organisation. D’autant que la pratique du télétravail est désormais ancré dans nombre d’habitudes. Un changement également mis en place par Softway Medical. Céline Amblot-Féral explique : « nous proposons à chacun de réaliser deux jours de télétravail par semaine. Il s’agit d’un mode que chacun affectionne particulièrement. Tout du moins, une majorité. Nous portons toutefois une attention particulière à l’esprit collectif qui nous anime. Il faut en effet que chacun demeure dans ce collectif commun. C’est capital pour l’avenir de l’entreprise. »
Le télétravail n’est pas non plus un passage obligé. Certaines entreprises préfèrent miser sur ce sentiment commun d’appartenance. Stéphane Delhommeau (Proginov), précise ce pas de côté. « Nous ne proposons pas de télétravail. Ou seulement lorsque des circonstances s’y prêtent (situations personnelles exceptionnelles qui l’imposent). Car nous sommes une entreprise collaborative dans laquelle la communication interne est forte. Tous nos salariés habitent près de nos locaux et sont heureux de participer à la vie commune de l’entreprise. Y compris lors de moments conviviaux, autour de barbecues par exemple. »
Vers une quête de sens ?
« Quête de sens, que fait mon entreprise en matière sociale ou environnementale ? Il y a souvent des mythes sur le sujet mais la vérité est que chacun peut agir pour la communauté. Les attentes des salariés sont mêmes grandes sur ce sujet » , précise Charles Mauclair.
Afin de retenir ses talents, une entreprise doit donc s’ouvrir à de nouvelles demandes. Bien plus larges que les seules considérations salariales. « Certains points ne sont pas négociables pour les personnes qui disposent de moins de 10 ans d’ancienneté. Dans le sens où ces collaborateurs pourraient nous quitter si nous ne faisions rien en matière de respect de la diversité. Je pense notamment au respect de thématiques autour de la religion, de l’orientation sexuelle ou sur d’autres points. En cas d’injustice constatée, un salarié sera capable partir sinon de s’indigner de la situation. Il y a donc un souhait de tolérance très fort au niveau collectif » , ajoute le responsable.
Dans cette même optique de répondre aux attentes de chacun, Softway Medical indique conduire une politique visant à prendre en considération l’équilibre vie privée-vie professionnelle. Céline Amblot-Féral explique : « Nous acceptons systématiquement les temps partiels demandés pour que nos salariés puissent s’occuper de leurs enfants ou de leurs aïeux. Nous avons également mis en place un accord d’égalité professionnel femmes/hommes dans lequel nous nous engageons à ne pas mettre de formation le mercredi ou de réunion qui commence à 17 heures. » Des volets qui permettent à chacun d’être davantage stimulé dans sa propre activité professionnelle. Et ce, grâce à un environnement propice au développement personnel.
Un parti pris également compris chez Proginov. « Nous ne proposons pas d’objectifs annuels à nos collaborateurs. Après tout chacun à un rythme qui lui est propre et qui ne l’empêche pas de progresser tout en satisfaisant nos clients » , précise Stéphane Delhommeau. « Après tout, chacun doit prendre du plaisir dans son travail » , conclut-il. Un pari patent en somme.
Olivier Robillart