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Mira Emmerling, Glaze : « Les RH devraient être améliorés pour inclure plus de femmes »

Mira Emmerling cumule les fonctions au sein de la pépite Glaze, spécialiste de l’optimisation du parcours client. Cofondatrice, elle en est également la responsable technique et du développement. Un profil technique rare dans le monde de la tech et une vision claire des besoins d’inclusion de profils féminins.

L’absence de profils techniques féminins est évident dans les entreprises. A quoi est-ce dû ?

Dans les années 80-90, les femmes étaient représentées à hauteur d’un quart des effectifs dans les écoles d’informatique. Aujourd’hui, elles ne sont que 10% en Europe de l’ouest. On assiste à une régression en partie à cause de la perception du lieu de travail. Il existe une petite musique qui se répand selon laquelle les femmes seraient moins intéressées par les carrières techniques. Mais ceci est infondé. Ces personnes ont été moins encouragées à suivre ce type de formations, ce qui a provoqué les problèmes d’inclusion que nous connaissons à présent.

Mira Emmerling, cofondatrice, responsable technique et du développement de Glaze
Mira Emmerling, cofondatrice, responsable technique et du développement de Glaze

En conséquence, les cultures technologiques manquent de développements ces dernières années. Peu de personnes se sont intéressé aux carrières techniques et technologiques, ce qui est regrettable. A ceci s’ajoute le fait que de nombreuses grandes compagnies sont encore sclérosées dans une culture patriarcale forte. Elles ne sont donc en rien diverses et n’incluent pas de nouveaux profils. Cela crée un impact fort en termes d’attrait de talents féminins.

La culture est-elle différente entre les Etats-Unis et l’Europe ?

Aux Etats-Unis, une femme n’est pas obligée de faire davantage ses preuves qu’un homme. Ce qui manque actuellement, que ce soit en Europe ou outre-Atlantique, c’est le fait que les femmes s’intéressent aux métiers techniques. Je n’ai personnellement pas fait d’études d’ingénieur mais plutôt de Droit et de Finance. J’ai dû développer mes compétences en autodidacte. Cela ne signifie pas que je ne nourrissais pas d’intérêt dans ce domaine, mais les portes semblent souvent fermées en apparence.

Les informaticiennes diplômées qui rejoignent le monde du travail sont très majoritairement (75%) présentes dans les métiers des RH, documentation ou marketing. Uniquement 25% sont dans la tech pure. Et elles ne sont que 10 % environ dans le big data et la cybersécurité. C’est trop peu. On devrait pouvoir mieux faire.

D’autant que les choses sont à présentes différentes par rapport à ces dix dernières années. Il existe désormais des cultures fortes d’entrepreneuriat, y compris chez les femmes. De même, les plus jeunes bénéficient d’un accès beaucoup plus conséquent à des ressources techniques pour apprendre et s’exercer. A ce titre, le seul conseil que je puisse donner à celui ou celle qui voudrait se lancer est de se jeter à l’eau pour emmagasiner le maximum d’expérience « de terrain ».

A ceci j’ajoute qu’il faut préférer un domaine qui vous plaît. Car on réalise toujours de meilleurs projets lorsque l’on apporte de l’intérêt et de la passion. Cela permet de livrer des produits et de services qui ont davantage d’impact.

Comment est-il possible de susciter des vocations grâce à l’éducation et à la formation ?

Proposer aux plus jeunes de coder est un point intéressant et important. Nous sommes à présent dans un monde dans lequel la technique est omniprésente. Dans ce cadre, les perspectives offertes aux plus jeunes doivent être nombreuses. Cela signifie qu’il faut parler indifféremment aux hommes et aux femmes sous plusieurs modes et ne pas organiser uniquement des compétitions de coding.

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Actuellement, de nombreux parents n’ont pas connaissance de l’éventail des métiers proposés par le numérique. Face à ce constat, les enfants ont besoin de supports additionnels afin qu’ils sachent ce qu’il est possible de faire. Cela passe notamment par l’école, qui peut apporter beaucoup en termes d’ouverture sur le monde professionnel.

De manière générale, la compréhension des métiers du Web ou de l’informatique est assez faible. Beaucoup ignorent encore la multiplicité des trajectoires professionnelles qui existent. Trop peu de parents sont informés et ce point devrait être mis en avant car les besoins en la matière sont importants et il faut susciter de nouvelles vocations.

Est-il important de mettre en avant des femmes de la tech, pour créer des exemples aux futures générations ?

Mon sentiment est plutôt partagé. Il est important de communiquer auprès du public sur le fait que des femmes occupent des postes à responsabilité ou ont une carrière technique. C’est indéniable. Cela permet à d’autres de déployer leur énergie afin d’atteindre leurs propres objectifs professionnels.

A la manière du greenwashing en écologie, il ne faudrait pas que survienne le « women washing ».

Mais il faut également rester prudent face au risque de voir les entreprises faire mine d’embrasser cette cause. A la manière du greenwashing pour l’écologie, il ne faudrait pas que survienne le « women washing ». C’est-à-dire de faire semblant de placer des femmes à des positions dans lesquelles elles n’auraient que peu de pouvoir. Les quotas peuvent donc emporter des effets négatifs auxquels il convient de prendre garde.

Cette mauvaise interprétation est souvent liée à une culture d’entreprise qui laisserait passer ce type d’usage. C’est pour cette raison qu’il est important d’inclure davantage de profils féminins au sein des processus de décision.

On constate en effet que la présence de femmes est plus faible dans les grands groupes que dans les structures plus réduites ?

Dans les services techniques de taille moyenne, les femmes sont globalement présentes, à quasiment tous les niveaux hiérarchiques. A l’exception des fonctions de direction. Dans les services techniques de certaines grandes entreprises, les femmes sont souvent moins bien représentées.

Ce constat est lié au fait que les processus RH devraient être améliorés pour inclure plus de femmes dans l’IT. Généralement, les entreprises regardent deux points majeurs dans les CV lorsqu’ils souhaitent recruter. Elles nourrissent en premier lieu une attention toute particulière aux diplômes obtenus puis au fait d’avoir ou non été employé en continu. Ce second facteur écarte en particulier les femmes. C’est le cas aux Etats-Unis où de nombreuses femmes sont écartées de postes à responsabilité. Les entreprises pourraient, au contraire, être ouvertes à d’autres CV davantage pluriels.

Ce manque se constate-t-il dans l’intelligence artificielle, avec l’émergence de biais algorithmiques, du fait de l’absence de diversité dans les équipes techniques ?

Il n’est pas prudent de laisser la conception des algorithmes aux seules mains du personnel masculin. Il est en effet possible que des biais surviennent à cause du fait que l’équipe qui les ont édités n’est pas suffisamment diverse. La diversité est véritablement le cœur de tous les paramètres. Les processus de développement doivent finalement être aussi inclusifs que le recrutement afin de favoriser la pluralité. C’est le cœur de tout bonne évolution pour une entreprise.

Merci, Mira Emmerling

Olivier Robillart