Les forces d’intervention françaises se dotent d’une solution de communication 4G sécurisée et autonome. Pour le RAID, la BRI ou le GIGN, le programme PCStorm permet d’utiliser la 4G. Mais aussi de limiter le recours aux communications vieillissantes (talkies-walkies, radios…). L’idée est enfin de numériser leurs activités par le biais de logiciels intuitifs et de systèmes de sécurisation innovants. Ils poursuivent leur transformation digitale.
Sur un lieu de crise ou à l’étranger, les forces d’intervention ont un besoin impérieux. Celui de communiquer de manière libre, sécurisée et organisée. Jusqu’à présent ces unités critiques que sont principalement le RAID (Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion), l’unité d’élite de la Police nationale, la BRI (Brigade rapide d’intervention) et le GIGN (Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale) disposaient de technologies radios et de talkies-walkies. Sinon elles utilisaient tout simplement le bon vieux papier pour préparer leurs interventions.
Elles utiliseront à présent des technologies de communication 4G ainsi que des systèmes numériques. Suivant cette logique de transformation digitale, le ministère de l’Intérieur a lancé en 2016 un appel d’offre. Il visait à faire entrer de plain-pied ces institutions dans l’ère de la communication enrichie.
Baptisé PCStorm, le programme contient 6 lots : Réseaux tactiques et terminaux pour doter l’administration de systèmes autonomes en couverture radio et en services haut débit sous technologie LTE, Cartes SIM et gestion d’administration à distance, Service opérateurs (service de téléphonie et de transport de données de bout en bout voix et datas), applications et sécurité, passerelle vers les systèmes bandes étroites et Service d’accès aux réseaux permanents de transport de communications critiques…
Mêler sécurité et souveraineté nationale
Un appel d’offres dont le processus de choix, à présent clos, a été conduit en suivant scrupuleusement les recommandations de l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité et des systèmes d’information). L’enjeu est en effet crucial puisqu’il revêt un caractère de souveraineté et de sécurité national évident. C’est pourquoi certains équipements, notamment chinois (Huawei, ZTE…) ont été délibérément écartés.
L’enjeu de PCStorm est également de faire de la France une vitrine européenne en matière de communications. Pascal Béglin, PDG de StreamWide, éditeur qui a remporté l’appel d’offre, explique : « La France est la première à réaliser un appel d’offre de ce type. Les autres pays européens vont nous regarder et cela va naturellement déclencher de nouvelles vocations chez nos partenaires européens. La France est en avance sur le reste de l’Europe voire du monde car elle a pris l’initiative de passer à la 4G dans le cadre de standards (3GPP) ».
Quand les éditeurs aident l’Etat à déployer son propre réseau
La particularité de doter les forces d’interventions de systèmes de communications réside dans le fait que ces échanges d’informations doivent pouvoir être transmis en priorité sur les réseaux classiques de communication. Il n’est pas question que ces mêmes discussions entre équipes ralentissent à cause du public (SMS, data, appels téléphoniques…). En matière de « public safety », il est donc crucial qu’en cas d’intervention du GIGN, existe une préemption du réseau.
Pour y parvenir, les éditeurs aident l’Etat à déployer son propre réseau, lequel va utiliser la 4G. Celui-ci sera doté de stations d’émissions. L’objectif est d’établir une couverture en propre, monter une « bulle tactique » (un réseau privé) en cas d’intervention. Le tout est utilisable au moyen d’un logiciel.
Pour accompagner plus en aval l’évolution du RAID, la BRI et le GIGN dans leur transformation digitale, StreamWide, également vainqueur de l’appel d’offre, indique avoir eu besoin de partir d’une « page blanche ». « Nous avons créé une plateforme de création numérique. Elle permet de digitaliser les process opérationnels des agents. Lorsque le GIGN intervenait, leurs opérateurs utilisaient encore des check-lists en papier(quels casques sont nécessaires, quel nombre de munitions…). Nous avons intégré ces éléments dans la même application pour leur faire gagner en rapidité et en agilité », précise Pascal Béglin, PDG de l’éditeur.
Une centaine de procédures internes ont ainsi été digitalisées. Aussi, des fonctionnalités vidéo ont été intégrées pour répondre aux prochaines attentes des forces d’intervention de demain. Un avenir proche selon Gemalto. L’éditeur nous précise à ce titre que le nouveau système permet de transmettre aussi bien de la voix « mais aussi des images vidéo en temps réel ».
Des communications ultra-sécurisées lors des interventions
Cette marche en avant vers la transformation numérique des forces d’intervention va de pair avec une sécurisation des communications. Un point que la puissance publique ne doit non seulement pas négliger mais sur lequel elle doit être proactive.
Matthieu Bonenfant, Chief Marketing Officer de Stormshield explique : « L’innovation intervient parfois en dehors du domaine propre à la Défense. Il faut alors qu’un éditeur soit en mesure d’utiliser des technologies plus standardisées. Et ceci pour qu’elles puissent développer l’agilité de la puissance publique.Il faut aussi apporter une couche de confidentialité et de protection ». Le responsable poursuit : « Le sujet de la confiance est, de loin, le plus important. Il est actuellement adressé aux moyens de qualifications de l’Anssi. L’organisme demande d’apporter une couverture fonctionnelle (fonctionnalités intégrées) mais aussi une rapidité de déploiement et d’administration ».
Le sujet demeure prégnant. C’est pourquoi l’organisme professionnel TECH IN France se saisit du sujet au travers de conférences, webinars sur la thématique. L’association dispose en outre d’un groupe de travail spécifique à la cybersécurité.
Toujours est-il que jusqu’à présent, les forces d’intervention utilisaient des infrastructures analogiques fermées. Elles passent désormais par des communications numériques sous IP auxquelles elles ajoutent des capacités de chiffrement. C’est donc un travail de transformation digitale conduit entre partenaires privés et publics. Il permet d’accompagner la puissance publique vers le numérique. Un enjeu gagnant-gagnant dont les résultats en termes d’agilité, de rapidité et d’économie des coûts sont déjà connus.
Olivier Robillart