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Comment ces start-ups ont remporté un appel d’offre de marché public

Passer entre les fourches caudines des institutions publiques est un exercice en soi. Lors du lancement d’un marché public, le processus de sélection peut poser des questionnements naturels pour les start-ups, en particulier face à un acteur public. Ces entreprises ne sont toutefois pas hors concours, loin s’en faut. Certaines d’entre elles remportent de précieux appels d’offres. Voici comment elles ont procédé.

Remporter un marché public ou devenir prestataire d’un service public est enthousiasmant pour une entreprise. Au cours d’un processus parfois long et complexe, start-ups, PME ou ETI peuvent se heurter à des difficultés inhérentes à ce type de contractualisation. Pour une structure réduite, la réussite d’un appel d’offre auprès d’un tel service passe inévitablement par un travail profond d’anticipation des besoins.

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La marche n’est toutefois pas trop haute. Glaze est une jeune pousse qui, en l’espace de deux années, a réussi le pari de passer le stade de l’éclosion, séduire un nombre conséquent de grands comptes et remporter un marché public. Un exercice complexe au sujet duquel Gwénaël Flatres, cocréateur et PDG de la pépite française, délivre son expérience. « Pour remporter un marché public, il faut s’entourer des bonnes personnes », explique le dirigeant.

S’adapter au rythme

« Être capable de s’adapter au rythme d’une structure imposante est une chose mais l’argument majeur à mettre en avant est la délivrabilité. Sans cette obsession, la start-up risque de rater son objectif. La sanction sera sans appel, le potentiel client ne traitera plus avec vous car il sera frustré de ne pas voir son service s’exécuter. Même si vous êtes prêts avec quelques semaines de retard seulement, ce sera tout de même trop tard. Entrer en relation avec un écosystème d’acteurs matures et échanger avec des interlocuteurs nous a aidé à comprendre cela. Ces mêmes personnes avaient déjà réalisé et réussi plusieurs appels d’offres auprès de services publics. Ils possédaient ainsi une expérience qui nous a permis d’aborder ces étapes de la meilleure des manières », ajoute Gwénaël Flatres.

Un marché public constitue, par nature, un ensemble très codifié. Les éléments clés de réussite ne sont ainsi souvent propres qu’aux services publics. A cela, il convient de mener de multiples vérifications de « due diligence » pour qu’une relation de confiance s’établisse. De l’avis de l’ensemble des sociétés interrogées, il est en général difficile « d’y aller seul », de se confronter aux difficultés sans faire appel à des conseils, soutiens qui proposeront les bonnes manières de procéder.

S’entourer de personnes et d’entités aguerries

Travailler sa visibilité auprès des pouvoirs publics représente sans conteste un atout majeur dans les mains des start-ups. Une approche pragmatique consiste à être référencé auprès d’une centrale d’achat public comme l’UGAP (Union des groupements d’achats publics). En 2017, elle a reçu 3,2 milliards d’euros de commandes. Cet acteur quasi-incontournable représente indéniablement une clé d’entrée à condition de montrer patte blanche. Il faut en effet attendre une période de plus de 6 mois avant d’y être inscrit, avant d’obtenir une « note de confiance » supérieure à 60 pour y être référencé. Un travail de longue haleine qui finit généralement par payer.

« Le marché des drones professionnels représente un domaine à même de créer des services à forte valeur ajoutée »

Dans cette même logique d’accompagner les entreprises, le secteur de l’achat public a fait montre d’une montée en compétence via la professionnalisation des achats. Les centrales s’adaptent à présent au mieux aux offres proposées notamment par les start-ups.

Baptiste Vassor, expert technique Innovation à l’UGAP explique : « Notre politique d’achat consiste à porter notre attention sur l’innovation, sur des secteurs porteurs. A titre d’exemple, le marché des drones professionnels représente un domaine à même de créer des services à forte valeur ajoutée. Nous veillons également à favoriser l’inclusion numérique des personnes en situation de handicap ou d’agents territoriaux en poste mais qui ne peuvent pas forcement interagir correctement avec leurs collègues. Dans ce cadre, les entreprises innovantes qui proposent de nouvelles solutions représentent un atout indéniable ».

Label de l'UGAP : Achats responsables
Label de l’UGAP : Achats responsables

Dans cette même logique d’accès à toutes les entreprises et jeunes pousses innovantes, de nouvelles règles ont simplifié la donne. Ainsi, depuis le 1er octobre dernier, la dématérialisation des procédures des marchés publics est devenue effective. Dans l’optique d’aider les PME et autres start-ups à accéder à ces initiatives, les démarches sont à présent plus faciles à réaliser même si seuls les appels d’offres supérieurs à 25 000 euros hors taxes sont, pour le moment, concernés par la mesure.

Être dans le bon timing

Parmi les interrogations récurrentes des start-ups envers les structures publiques figurent les questionnements autour de l’organisation. Mais aussi de la formulation même de l’offre. Ces deux entités disposent en effet d’agendas et d’impératifs généralement différents.

Gwénaël Flatres (Glaze) témoigne : « un grand compte et une start-up n’évoluent pas dans la même temporalité. Eux disposent du temps que vous ne possédez naturellement pas. Lors d’un appel d’offre que nous avons remporté, nous avons opté pour une facturation au temps de travail passé à réaliser notre PoC. Les questionnements sont identiques en termes de ressources humaines. Vous ne disposez pas de 200 personnes salariées, c’est donc à vous qu’il revient de vous adapter à un mastodonte. Ce dernier point, est le plus important, selon moi. Seulement 2% des start-ups ne franchissent jamais la barrière de la preuve de concept lorsqu’elles répondent à un appel d’offre émanant d’un service public. C’est parce qu’elles ne parviennent pas à s’adapter suffisamment ».

Gwénaël Flatres, PDG de Glaze pour qui l'internationalisation est un aspect positif
Gwénaël Flatres, PDG de Glaze

Une position que confirme Baptiste Vassor de l’UGAP : « L’espace-temps peut être différent entre une start-up et une entreprise publique. C’est entre guillemets à l’entreprise d’intégrer dans son business plan le fait que le temps de décision est différent dans l’espace public. Ne pas le faire serait une erreur et mettra la start-up en difficulté ».

Vers l’international et au-delà ?

L’opposition de style, entre le monde du droit commercial public et l’univers des start-ups, n’est donc plus de mise. Nombre de start-ups ont en effet réussi à se tailler la part du lion.

Jean-Remi Kouchakji cofondateur et DG de PayinTech, une fintech pionnière des systèmes de paiement sans cash à destination des opérateurs de tourisme, loisirs et sport (bracelets ou cartes tout-en-un) confirme : « les acteurs publics ne peuvent pas se permettre de signer des contrats avec des gens qui passent sous le radar des conventions. En partie car ils gèrent de l’argent public. Nous n’avons ainsi pas connu la relative frilosité des appels d’offres. Il est donc nécessaire que votre entreprise dispose d’un modèle économique qui convienne à la collectivité et à la start-up. L’entreprise peut gagner parce qu’elle est agile, elle doit tordre son business model, son organisation ».

Effet de bord positif, les start-ups utilisent cette expérience comme marchepied vers une mise à l’échelle de leur activité. Ce premier galop constitue une expérience de taille. Un acteur public accordera sa confiance à une entreprise innovante, et contribuera à l’aider à se développer à l’international.

Olivier Robillart